Un projet d’un autre temps

Le projet de contournement H18, un projet extrêmement coûteux qui va créer plus de problèmes que de solutions – investissons dès maintenant dans la proximité!

Texte d’Estelle Sanchez-Pointet, politologue et auteure de « La complémentarité entre les projets TransRUN et H20 : une construction politico-administrative » (2010) (pdf 2.3Mo)

Les autorités prétendent que ce nouveau tunnel permettra de « délester le trafic du centre-ville » et de « renforcer son attractivité » pour « une meilleure qualité de vie », et qu’elle favorisera même (osons rêver) « des retombées positives pour l’économie ». Oui, sur papier, c’est très joli.

Mais au fond, ces mêmes autorités ne s’attaquent pas à la racine du problème, à savoir, la prédominance de la voiture dans les pratiques de déplacement qui structure profondément nos modes de vie, nous distancie de plus en plus du local, nous stresse à force de nous déplacer beaucoup, pollue l’air que nous respirons (particules fines dangereuses pour la santé), diminue notre activité physique, augmente considérablement les émissions de gaz à effet de serre et, en plus, nous coûte extrêmement cher (on parle ici de 186 millions ! De quoi acheter 93’000 vélos électriques à 2’000 CHF, qui, eux, n’ont pas besoin de benzine coûteuse pour fonctionner. Sans mentionner ici les millions à budgéter pour entretenir cette route).

La route appelle la voiture. Toute nouvelle capacité routière sera un appel d’air supplémentaire pour attirer plus de voitures venant de toujours plus loin. Les études de trafic l’ont bien démontré. En fait, investir pour aller toujours plus loin et plus vite au moindre coût est une aberration totale de l’humain qui ne nous mène nulle part si ce n’est dans un cercle infernal infini où nous irons toujours plus loin, toujours plus vite et plus souvent, pour polluer encore plus, et nous stresser, sans réelle finalité par rapport au modèle de société poursuivi. Est-ce vraiment cela que nous voulons perpétuer ?

Quant à la question des retombées économiques, malheureusement cette nouvelle route va probablement attirer des employés venant de toujours plus loin tout en mettant nos enfants encore davantage dans la concurrence pour trouver un emploi dans leur proximité. A nouveau, est-ce vraiment cela que nous voulons ?

Par ailleurs, précisons ici que la recherche récente constate que, sur le long, le développement de nouvelles technologies et de pratiques visant à réduire notre empreinte carbone (efficacité énergétique des moteurs, efficacité des carburants utilisés, transfert modal de la voiture vers les transports collectifs, covoiturage) n’a pas d’effet sensible sur les émissions de CO2 liées aux transports, du fait de l’augmentation globale et continue du volume de déplacements rapides (voiture, avion). Ceci, car nous refusons de remettre en question cette augmentation explosive du volume des déplacements et des distances parcourues.

Finalement, au lieu de s’accrocher à de vieux projets « has been » extrêmement coûteux, la question que les autorités devraient se poser et, surtout, poser à leur population, est : est-ce vraiment ce modèle là de société que nous voulons continuer à développer ? Quel modèle de société voulons-nous ? Car les études montrent aussi que la majorité des gens des pays industrialisés veut autre chose : ils veulent un ralentissement de leurs rythmes de vie, retrouver du temps pour leurs proches et eux-mêmes, travailler à moins de 30 minutes de leur domicile, davantage télétravailler, profiter de leur quartier, mener une vie quotidienne en proximité (avec des services de proximité)… ils aimeraient aussi moins polluer…

Alors pourquoi continuer à réaliser des projets de route coûteux qui ne répondent pas aux aspirations de la population ? Et si on prenait au sérieux les aspirations actuelles des citoyens et la gravité de la crise écologique ? Il serait réellement temps, d’autant plus que le dérèglement climatique commence à se faire sentir, d’avoir le courage de STOPPER ce type de projet. Et de dire « on arrête tout, on se pose et on réfléchit à ce qui est réellement désirable pour notre futur notamment sous l’angle du problème climatique ». Aujourd’hui il nous faudrait avoir le courage de réorienter nos politiques pour miser sur la proximité et la promotion du local, par rapport à l’aménagement de nos modes de vie, à la mixité logements-emplois, à notre mobilité, à notre consommation, à l’agriculture… à l’instar de la « ville du quart d’heure », tel que proposé par l’urbaniste Carlos Moreno, professeur à l’IAE de Paris, comme réponse à l’urgence climatique. L’idée est développer un territoire au sein duquel on puisse trouver près de chez soi tout ce qui est essentiel à la vie (faire des courses, travailler, s’amuser, se cultiver, faire du sport, se soigner,…). Il serait nécessaire de repenser notre mobilité de manière articulée à celle des autres secteurs comme l’aménagement du territoire, le travail, l’économie, l’éducation, les loisirs, la santé, etc. ce qui actuellement n’est pas le cas. C’est dans ce type de politique que nous devrions investir des millions et des milliards !

Je vous invite à vous mobiliser pour voter NON à ce projet routier H18, et à demander aux autorités de se questionner sur notre avenir et de proposer des projets réellement constructifs à réaliser avec tout cet argent.

Lecture recommandée du livre qui vient de paraître « Pour en finir avec la vitesse » de Tom Dubois, Christophe Gay, Vincent Kaufmann, Sylvie Landriève, aux éditions de l’Aube, 2021.

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